La Vallée d’Aoste est la plus petite des régions d’Italie et a la particularité d’être constituée d’une seule province, celle d’Aoste
Située à l’extrême nord-ouest du pays, frontalière de la Savoie et de la Haute-Savoie en France et du Valais en Suisse, elle est l’une des quatre premières régions autonomes constituées au sein de la République italienne en 1948.
Son particularisme linguistique est caractéristique. Avec une population utilisant à l’origine une langue gallo-romane, l’arpitan ou franco-provençal, la Vallée d’Aoste devient officiellement francophone en 1561 (les procès-verbaux officiels du Conseil des Commis passent du latin au français dès 1536).
Elle est soumise à une politique d’italianisation forcée mise en place par le régime fasciste de Mussolini, pour évoluer ensuite vers son statut de bilinguisme officiel actuel, avec le français et l’Italien comme langues officielles et l’arpitan comme langue régionale.
Antiquité
Des mégalithes ( le cromlech du Petit-Saint-Bernard ) datant de 2 000 ans av. J.-C. ont été trouvés à la frontière avec la France.
Au ve siècle av. J.-C. la Vallée d’Aoste est habitée par le peuple des Salasses.
En 25 av. J.-C., elle est conquise par les Romains et l’empereur Auguste fonde Augusta Prætoria Salassorum, aujourd’hui Aoste.
La vallée, importante d’un point de vue militaire, est stratégique pour le contrôle des points de passage que constituent les cols du Petit-Saint-Bernard (Alpis Graia) et du Grand-Saint-Bernard (Summus Pœninus).
Ces deux routes se croisaient à Augusta Prætoria (Aoste), et formaient la Route des Gaules.
D’autres agglomérations furent fondées tout au long de la vallée, telles que :
- Carême “Quadragesima Galliarum”, c’est-à-dire « près de la quarantième pierre milliaire de la route des Gaules »,
- Quart “Ad quartum lapidem“, c’est-à-dire « près de la quatrième pierre milliaire »,
- Chétoz “Ad sextum lapidem” c’est-à-dire « près de la sixième pierre milliaire »,
- Nus “Ad nonum lapidem” c’est-à-dire « près de la neuvième pierre milliaire »,
- Diémoz “Ad decimum lapidem” c’est-à-dire « près de la dixième pierre milliaire »
Chacune de ces bornes indiquaient la distance à partir d’Aoste.
D’autres bourgades et postes militaires étaient Verrès (Vitricium), Châtillon (Castellio), ou des fundi, tels que Charvensod (Calventianus), Gressan (Gratianus) et Jovençan (Joventianus).
Les colons Aymus et Avilius ont donné le nom à Aymavilles “villa d’Aymus“.
Le Moyen Âge
Après la fin de l’Empire romain, du fait de sa position stratégique la Vallée d’Aoste fait l’objet de multiples convoitises.
Elle est successivement conquise par de nombreux peuples et incluse dans leur royaume : les Burgondes au ve siècle, suivis par les Ostrogoths, elle est brièvement récupérée par les Byzantins avant d’être occupée par les Lombards.
Au vie siècle elle est incorporée dans le royaume de Gontran Ier Roi des francs.
En 575 fut proclamée la paix entre le roi mérovingien de Bourgogne et d’Orléans Gontran et les Lombards.
Les Francs se réservèrent le contrôle des cols alpins, les Lombards durent céder la vallée d’Aoste et le val de Suse.
La frontière entre le royaume des Burgondes et la Lombardie fut fixée à Pont-Saint-Martin.
Ce changement d’orientation vers Lyon et Vienne fut fixé dans la toponymie, où l’on rencontre souvent Martin de Tours, ainsi que Denis de Paris (Saint-Denis) et Remi de Reims (Saint-Rhémy-en-Bosses).
La Vallée d’Aoste fait ensuite partie de l’Empire carolingien puis du royaume de Boson V de Provence en 879 et enfin du royaume de Bourgogne en 904 avant de devenir, vers 1024, un comté contrôlé par Humbert-aux-blanches-mains comte de Maurienne qui octroie des franchises à la région, reprises notamment par la Charte des franchises de 1191 par le comte Thomas Ier.
Compte tenu des caractéristiques naturelles de la région, la noblesse féodale a eu longtemps un poids prépondérant dans l’histoire politique et sociale.
De ce fait, les nombreux forts et châteaux ont été les centres de la vie politique, économique et culturelle en plus de leur fonction militaire.
La principale famille féodale est la Maison de Challant d’où sont issus les vicomtes d’Aoste dès le début du xie siècle. Le premier vicomte révélé par les sources est vers 1100 Boson Ier.
L’un de ses successeurs, Ebal Ier de Challant renonce à ce titre en 1295 au profit de la Maison de savoie.
Dès lors, le sort de la Vallée d’Aoste est lié à la maison de Savoie. le Comte Édouard le Libéral est le premier à s’intituler « Duc d’Aoste » et à transformer le fief en duché à qui il accorde d’ailleurs une large autonomie. Des baillis représentent le comte de Savoie. À partir du xive siècle, le bailli est parfois dénommé « podestat ».
La Renaissance
En 1496 la dignité de « Gouverneur et de lieutenant du duché d’Aoste » est instituée qui fait perdre de l’importance au poste du bailli.
C’est de cette époque que date la Chronique de la maison de Challant, la première œuvre historiographique connue sur la Vallée d’Aoste, écrite par Pierre Du Bois.
En 1536, à la suite de l’invasion des territoires des États de Savoie par François Ier (ils seront occupés jusqu’en 1559 à l’exception de la Vallée d’Aoste, du comté de Nice, du pays de Vaud, occupé par les Bernois qui y resteront jusqu’en 1798, et du Chablais savoyard, occupé par les Valaisans et restitué en partie en 1569) le Conseil des Commis est institué.
L’année suivante, un premier traité de neutralité est signé entre le Val d’Aoste et François Ier le 4 avril 1537.
Ce traité sera renouvelé cinq fois jusqu’en 1558:
- avec François Ier : le 1ermars 1538 et le 16 septembre 1542
- puis avec son successeur Henri II les 29 janvier 1552, 15 mars 1554 et 23 décembre 1556.
Le duc Emmanuel-Philibert, rétabli dans les États de Savoie en 1559 à la suite des traités du Cateau-Cambrésis déclare par l’édit de Rivoli du 22 septembre 1561, le français langue officielle en remplacement du latin pour la partie ouest de son duché et la Vallée d’Aoste.
Le 15 juin 1588 entre en vigueur le « Coutumier » compilation en six livres et 4262 articles, des coutumes du Duché d’Aoste, c’est-à-dire des normes, règlements et jurisprudences transmises jusqu’alors oralement.
xviie et xviiie siècles
En 1630, la peste décime la population en tuant deux tiers des habitants, soit 70 000 victimes.
À la fin du siècle et au début du siècle suivant, la Vallée d’Aoste est occupée deux fois par les troupes françaises.
Au cours de la guerre de la Ligue d’Augsbourg du 18 juin au 6 juillet 1691, une armée composée de 1 000 dragons et de 5 000 fantassins, sous le commandement du lieutenant-général le marquis Charles Fortin de la Hoguette, envahit la Vallée par La Thuile et Pré-Saint-Didier.
Aoste est occupée le 20 juin et une colonne pousse jusqu’à Montjovet.
En 1704, pendant la guerre de succession d’Espagne, Louis XIV est de nouveau opposé à Victor-Amédée II de Savoie.
Le maréchal de France, Louis d’Aubusson, duc de La Feuillade, après avoir envahi la Savoie franchit le col du Petit-Saint-Bernard et le 28 septembre il atteint Morgex. Claude-Hyacinthe le Sénéchal de Carcado est nommé gouverneur d’Aoste.
Après un combat décisif, la bataille de Turin le 8 septembre 1706, et une nouvelle incursion des troupes d’Henri-Eléonor Hurault, marquis de la Vibraye, les troupes françaises évacuent la Vallée d’Aoste en octobre 1709.
Entre fin août et début septembre 1708, la Vallée d’Aoste doit encore subir une brève invasion des troupes françaises commandées par Denis Simon, marquis de Mauroy
L’Église catholique, présente avec un clergé nombreux et des monastères, a une sensible influence traditionaliste et réactionnaire sur la population.
Elle s’oppose aux mesures inspirées du « despotisme éclairé » prises par Charles-Emmanuel III et par son fils et successeur Victor-Amédée III (suppression du Conseil des Commis, établissement du cadastre sarde…).
L’antique législation qui régissait le régime valdôtain est définitivement abolie après la publication à Aoste le 24 novembre 1770 des « Royales Constitutions » et du « Règlement Particulier pour le Duché d’Aoste » du 13 août 1773.
Le baron savoyard Aimé-Louis-Marie Vignet des Etoles (1739-1797), est intendant royal d’Aoste de 1773 à 1784.
Chargé de mettre en œuvre la politique royale, il est l’auteur en 1778 d’un intéressant Mémoire sur la Vallée d’Aoste.
En 1777, selon le chanoine Pierre-Louis Vescoz, la culture de la pomme de terre est introduite dans la Vallée d’Aoste par le notaire Jean-François Frutaz qui la sème pour la première fois à Châtillon.
En 1792, la cité d’Aoste offre un refuge aux savoyards exilés fuyant leur pays de Savoie envahi par les troupes révolutionnaires françaises.
Parmi ces exilés se distingue la famille de Joseph de Maistre et de son frère Xavier de Maistre, auteur du Lépreux de la Cité d’Aosteainsi que de son autre frère André-Marie de Maistre, futur éphémère évêque d’Aoste.
xixe siècle
Au cours de la Révolution française, l’influence cléricale se maintient La vallée d’Aoste est envahie dès avril 1794.
D’abord occupée en 1796 puis annexée « de facto » et enfin « de jure » lorsqu’elle est incluse dans le département de la Doire en 1802.
Le diocèse d’Aoste est même supprimé de 1803 à 1817.
La Vallée d’Aoste est rétrocédée en 1814 aux États de Savoie dont elle suit l’évolution vers le libéralisme politique au cours de la première partie du xixe siècle.
Les premières élections se tiennent le 27 avril 1848 et elles désignent l’avocat Jean-Laurent Martinet, Maurice Tercinod syndic d’Aoste (1847-1848) et le capitaine du Génie militaire Louis-Frédéric Ménabréa pour représenter la région au Parlement du royaume de Sardaigne de Turin.
À cette époque des tensions apparaissent entre le clergé conservateur de l’évêque André Jourdain et les libéraux représentés notamment par le chanoine Félix Orsières.
À la suite de la cession de la Savoie à la France en 1860, la réalisation de l’unité italienne ainsi que la fondation en 1861 du royaume d’Italie, la Vallée d’Aoste cherche à conserver ses traditions et spécificités linguistiques et culturelles.
À partir de 1880, du fait de la hausse de la natalité commence une forte émigration économique provisoire ou définitive vers la Suisse, la France puis les États-Unis qui se poursuivra jusque vers 1925.
La période fasciste
Article détaillé : Nationalisme valdôtain.
Le fascisme a essayé d’italianiser la Vallée d’Aoste, par la suppression des écoles de hameau, entièrement francophones, par l’instauration de l’usage exclusif de la langue italienne dans les bureaux judiciaires (arrêté royal du 15 octobre 1925, no 1796), par la suppression de l’enseignement du français (arrêté royal du 22 novembre 1925, no 2191), par l’italianisation des toponymes (ordonnance du 22 juillet 1939) et la suppression des journaux français : le Duché d’Aoste, le Pays d’Aoste, la Patrie valdôtaine, et l’usage du français dans la presse.
De plus, par l’arrêté royal no 1 du 2 janvier 1927, la Vallée d’Aoste devient la Provincia di Aosta, incluant aussi une partie du Canavais italophone.
Dans la région s’organise une société secrète pour la défense de l’identité valdôtaine et de l’usage de la langue française, la Ligue valdôtaine, dont le fondateur fut le docteur Anselme Réan, ainsi qu’une activité partisane qui aboutit à la déclaration de Chivasso, signé par les représentants des communautés alpines pour la défense de leur particularisme.
Un membre de la résistance, Émile Chanoux, arrêté par la milice fasciste, est assassiné en prison la nuit du 18 au 19 mai 1944.
L’autonomie régionale
Un temps envisagé, le rattachement de la Vallée d’Aoste à la France est abandonné par le Général de Gaulle.
Le premier décret d’autonomie date du 7 septembre 1945. Il est promulgué par le Lieutenant général du royaume d’Italie, le prince Humbert II de Savoie, l’Italie étant encore sous le contrôle de l’Administration Alliée.
En particulier, ce décret supprime la « Provincia di Aosta » érigée en 1927 par le régime fasciste et son Préfet, dont les fonctions seront exercées par le Président du Conseil de la Vallée.
Les régions n’existant pas avant la Constitution de 1948, une « circonscription autonome Vallée d’Aoste » est créée, nantie de personnalité juridique et d’un nombre remarquable de compétences administratives pour assurer concrètement l’exercice de l’autonomie.
Frédéric Chabod est élu premier président du Conseil de la Vallée d’Aoste en 1946. La république italienne sanctionnera en 1948 la concession définitive du statut d’autonomie, par le biais la loi constitutionnelle 26 février 1948 n°4.
Pendant de nombreux siècles, la Vallée d’Aoste a vécu seulement d’agriculture et d’élevage. Avec la profusion de petites propriétés souvent insuffisantes à la subsistance des paysans, ceux-ci furent contraints de se déplacer en France ou en Suisse pour des travaux saisonniers ou émigrer définitivement jusqu’aux États-Unis et en Australie même.
Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale qu’on constate une inversion de la tendance démographique et économique, avec un développement touristique et industriel qui produit un phénomène immigratoire.
Actuellement la région, qui a une population de 123 978 habitants dont 4 976 étrangers, a un revenu parmi les plus élevés d’Italie.
Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Histoire de la Vallée d’Aoste de Wikipédia en français (auteurs)
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